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Prodigieux, chiffrement et géopolitique : quand le Royaume-Uni renonce à la porte dérobée

23 Août 2025

rcs

Le débat sur la sécurité numérique et la protection des données personnelles vient de franchir une nouvelle étape décisive. Tulsi Gabbard, directrice du renseignement national des États-Unis, a annoncé sur X que le Royaume-Uni avait accepté de renoncer à exiger d’Apple l’intégration d’une « porte dérobée » dans ses systèmes de chiffrement. Cette décision marque un tournant dans les relations transatlantiques en matière de cybersécurité et de respect des libertés civiles.

Une victoire pour le chiffrement de bout en bout

La porte dérobée demandée par le gouvernement britannique aurait permis un accès aux données chiffrées des utilisateurs, y compris celles des citoyens américains. Une mesure jugée inacceptable par l’administration Trump, qui s’est positionnée comme défenseur du chiffrement de bout en bout (E2EE). Tulsi Gabbard précise qu’elle a travaillé pendant plusieurs mois sur ce dossier avec les autorités britanniques, le président Donald Trump et le vice-président JD Vance.

Selon le Financial Times, JD Vance aurait profité d’un séjour au Royaume-Uni pour exercer une pression directe sur le gouvernement britannique concernant la « porte dérobée ». Reuters ajoute que le sujet aurait été abordé en marge d’une rencontre sur l’Ukraine entre Donald Trump et les dirigeants européens, le 18 août, avec le Premier ministre britannique.

Une loi controversée : l’Investigatory Powers Act

Au cœur de cette controverse se trouve l’Investigatory Powers Act, une loi britannique qui autorise le gouvernement à imposer des « mesures techniques » aux entreprises technologiques, tout en les contraignant au silence sur ces obligations. Cette législation soulève des inquiétudes majeures quant à l’extraterritorialité des normes britanniques et leur impact sur les entreprises étrangères.

Apple, en particulier, s’est opposée fermement à cette loi imposant implicitement l’intégration d’une « porte dérobée ». En février, la firme de Cupertino avait décidé de ne plus proposer sa fonctionnalité de Protection avancée des données au Royaume-Uni.

Cette option permet d’activer le chiffrement de bout en bout pour une large gamme de services Apple, notamment iCloud, Photos, Notes, Rappels, Safari, Siri et bien d’autres.

En refusant d’implémenter une porte dérobée, Apple soulignait le risque que le Royaume-Uni devienne de facto le « régulateur mondial des technologies de sécurité », imposant ses exigences à des entreprises opérant bien au-delà de ses frontières.

L’administration Trump en défense des libertés numériques

L’administration Trump, souvent critiquée pour ses positions sur la surveillance, adopte ici une posture résolument protectrice du chiffrement. Selon une source citée par le Financial Times, même si le Royaume-Uni a accepté de retirer son ordre, celui-ci n’a pas encore été formellement annulé. Des discussions seraient en cours pour clarifier les termes de l’accord.

Certains évoquent une nouvelle demande britannique à Apple, qui exclurait les données des citoyens américains. Mais pour Washington, cette approche serait incompatible avec l’accord initial, qui vise à interdire toute forme de porte dérobée, quel que soit le pays concerné.

Le gouvernement britannique, interrogé par Bloomberg, a refusé de commenter les détails opérationnels, tout en rappelant l’existence d’accords de coopération avec les États-Unis dans le domaine du renseignement et de la lutte contre les menaces graves.

Une décision locale aux répercussions mondiales

Ce bras de fer entre Apple, les États-Unis et le Royaume-Uni illustre à quel point les décisions nationales peuvent avoir un impact global sur la sécurité numérique. En défendant le chiffrement de bout en bout, Apple et l’administration Trump affirment une vision du numérique fondée sur la protection des libertés individuelles et la souveraineté des données.

Alors que les gouvernements cherchent à concilier sécurité nationale et respect de la vie privée, cette affaire rappelle que le chiffrement est devenu un enjeu géopolitique majeur. Et que dans ce domaine, chaque compromis peut redéfinir les équilibres entre États, entreprises et citoyens. La feuille de route européenne ProtectEU soulève également une question cruciale.